Main tendue au Modem, le Poitou-Charentes comme laboratoire et les présidentielles en ligne de mire… Depuis hier, les dés sont officiellement jetés. Ségolène Royal met le cap à droite, déterminée à placer le citoyen de gauche face à un choix qui relève plus de la tambouille politicienne que de la politique : beurre doux ou beurre salé, Bayrou ou Sarkozy… Citoyens de gauche, nous voilà bien avancés…
A partir de là, nous avons deux options possibles. La politique de l’autruche ou celle du chêne qui se refuse à plier. La première option revient à prendre le citoyen pour un imbécile en faisant mine de jouer à « si tu ne viens pas à la droite, c’est la droite qui vient à toi ». La ritournelle est bien connue et les candidats à la « Poitou-Charentes Academy » ne manqueront pas. Au nom d’un désormais très hypothétique strapontin, on entonne le refrain du projet qui soudainement nous laverait de nos péchés comme une sorte d’absolution pour toutes nos trahisons à venir… Le Modem serait alors plus à gauche que la gauche et le programme plus révolutionnaire que la révolution… Après tout, les miracles n’engagent que ceux qui y croient…
La seconde option est certes plus risquée mais ô combien responsable si l’on veut bien admettre que la politique n’a rien à voir avec la course en sacs… Disons donc les choses clairement… Hier, le Rubicon a été franchi et rend désormais impossible tout accord avec Ségolène Royal… Soit, prenons-en acte et tirons-en toutes les conséquences pour l’avenir. Il nous faut donc bâtir une liste de gauche en capacité de sortir en tête au soir du 1er tour. L’objectif peut paraître délirant mais il est le seul qui soit à la hauteur de l’enjeu : conserver la Région à gauche.
C’est donc une gauche de front qui doit se concevoir en région ; gauche qui devra certes compter le PCF, le PG, le NPA, la FASE, les Alternatifs mais aussi tous les militants socialistes et écologistes, syndicaux ou associatifs conscients que les questions posées aujourd’hui en Région ne seront pas sans conséquences sur les réponses trouvées demain à l’échelle de la Nation. La bonne nouvelle, c’est que nous voilà conduit par la force des choses à abandonner la rhétorique stérile et confuse de l’autre gauche. La moins bonne, c’est qu’il nous faut très rapidement incarner la gauche de transformation sociale, lucide et révolutionnaire à la fois.
Il va donc falloir avancer très vite des propositions très concrètes… Débattre publiquement de la gratuité des transports publics régionaux, d’un plan d’urgence pour la formation professionnelle, d’une priorité donnée à la reconversion des entreprises en difficultés en sociétés coopératives… Dans le même temps, il va falloir tenir un discours clair si l’on ne veut pas se faire les relais dociles d’une politique gouvernementale qui vise à transférer sur les ménages, les cadeaux fiscaux faits aux détenteurs du capital. A moyens constants, cela suppose de couper dans certains budgets… Supprimer toute aide publique aux organismes privés de formation, de tous les cache-sexe du capitalisme vert que la Région a démultiplié ces dernières années, de toute communication politique qui n’ait pas un caractère institutionnel. Réinterroger le budget de la démocratie participative n’aurait à ce propos rien d’incongru…
Le défi est conséquent et la tentation sera grande de trouver mille prétextes pour s’y soustraire. Et pourtant, ce défi n’est rien au regard du combat qu’il nous faudra mener demain dans le cadre de la Réforme des collectivités territoriales… Ce jour là, la question du contre-pouvoir régional n’aura rien d’anecdotique.
Nicolas Marjault